Oubliée des circuits traditionnels, l’Estrémadure offre des sites historiques d’une valeur inestimable. Des conquêtes romaines puis arabes à la ‘Reconquista’, en passant par la découverte du nouveau monde, cette terre de contrastes illustre à merveille les diverses influences de la péninsule ibérique à travers le temps. Pour le plus grand plaisir des voyageurs qui oseront sortir des sentiers battus!
Un bout du monde? Il faut bien avouer qu’à première vue, on se demande bien ce qu’on viendrait faire dans cette région, l’une des 17 communautés autonomes, également parmi les plus modestes d’Espagne. Enserrée entre la frontière du Portugal et l’Andalousie, loin de pouvoir revendiquer la même prestance touristique et culturelle, l’Estrémadure se traverse généralement à la va-vite. Tout juste ferait-on étape à Cáceres et Mérida pour y admirer ce que l’Unesco a classé au patrimoine mondial de l’humanité et qui ne contraint pas à faire de trop grands détours. Mais en motorhome, on peut bien se les permettre, ces détours! Ils vous conduiront auprès des vestiges de plusieurs peuples et civilisations ayant habité les terres estrémègnes, ainsi qu’à la rencontre de paysages naturels absolument saisissants.
Cap sur les vallées
On débute tranquillement ce circuit au nord de l’Estrémadure, dans les vertes et fertiles vallées de la Vera et de la Jerte. On trouve ici de nombreuses forêts de chênes centenaires, des cascades, des gorges et bassins d’eau cristalline, qui font office de piscines naturelles. Les Espagnols aiment d’ailleurs s’y rafraîchir en été. Les environs dévoilent des sites tels que Garganta la Olla, Los Pilones dans la réserve de Garganta de los Infiernos, la cascade du Caozo et bien d’autres petites merveilles. De nombreux petits campings sont d’ailleurs installés dans les environs. Mais ils ne sont généralement ouverts qu’à partir du printemps. Premier trésor sur votre route, le Monastère de Yuste, où Charles 1er d’Espagne, (plus connu sous le nom de Charles Quint) choisit de terminer ses jours, après avoir abdiqué en faveur de son fils, Philippe II. On y visite l’actuel couvent, les dépendances du roi et les jardins dans une ambiance divinement calme….
Les environs présentent aussi une multitude de villages typiques, qui, bien que se vidant inexorablement de leur population, donnent encore lieu aux plus festives et parfois étranges fêtes populaires, à l’image de Jarramplas à Piornal (voir encadré), Los Escobazos (fête des balais) à Jarandilla de la Vera et bien d’autres folklores. De nombreuses fêtes ont également lieu à l’occasion de la Semaine Sainte, une institution dans toute l’Espagne!
Le site est dédié à la conservation de la faune et notamment des oiseaux, comme la cigogne noire et les vautours moines.
Des paysages époustouflants
Gagnez ensuite Plasence (Plasencia), plus au sud. La ville ne présente pas un immense intérêt, si ce n’est qu’elle permet de se ravitailler avant la visite du Parc National de Montfraguë où les amateurs de randonnées seront servis! L’épicentre du Parc se situe à Villarreal de San Carlos. Traversé par le Tage et la rivière Tiétar, cette réserve de biosphère, qui s’étend sur quelques 182 kilomètres carré, présente des reliefs rocheux et des forêts de type méditerranéen. Le site est dédié à la conservation de la faune et notamment des oiseaux, comme la cigogne noire et les vautours moines. On observe très facilement le vol majestueux de ces derniers dans le ciel, particulièrement du côté du Saut du Gitan (Salto del Gitano) et des ruines pittoresques du château de Montfraguë. Cette étape devrait vous retenir au moins deux jours, le temps de profiter de paysages naturels absolument grandioses. Sachez toutefois que pour des raisons de préservation, il est interdit de camper et de stationner en motorhome. Il faudra alors sortir du périmètre du parc pour pouvoir bivouaquer. Le reste du parc est constitué de plaines et d’étendues de chênes verts. En plaine, les ‘déhesas’ servent majoritairement à l’élevage et notamment celui des porcs noirs qui se nourrissent exclusivement de glands et sont abattus à environ deux ans pour donner le fameux jambon d’Estrémadure, l’un des meilleurs jambons ibériques!
La richesse des villes estrémègnes
Après cette mise au vert, mettez le cap sur Cáceres. Loin du tourisme de masse, c’est l’une des plus jolies petites villes fortifiées d’Espagne. Ses remparts, son centre ancien, ses rues, places et palais plongent instantanément le visiteur à l’époque de la Renaissance et du Moyen Âge. Bien qu’un peu figée dans la pierre (la vie se concentrant davantage autour de la Plaza Mayor, laissant la vieille-ville au tourisme), Cáceres est un incroyable bijou d’architecture. Il n’est guère étonnant que la ville et ses alentours aient servi de décors à la série à succès Game of Thrones!
Autre cité pleine de charme médiéval, Trujillo à 40 kilomètres à l’est, figure parmi les incontournables de l’Estrémadure. Que vous poursuiviez votre périple au sud ou vers le Portugal, il ne faudrait pas manquer la visite de cette ville, ni le village perché de Guadalupe. Mais nous y reviendrons un peu plus tard.
Ne manquez pas le superbe village perché d’Alcántara et son incroyable pont romain du 2e siècle, merveilleusement conservé et inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco
Le parc international du Tage
Car si vous avez le temps de vous perdre, on ne saurait trop vous conseiller de rouler à l’ouest, vers le Portugal, là où le Tage joue par endroit le rôle de frontière naturelle. L’Espagne et le Portugal ont d’ailleurs en commun un projet de développement de Parc international pour valoriser les paysages, sites naturels et historiques de cette partie d’Estrémadure, à cheval entre les deux cultures. Ne manquez pas le superbe village perché d’Alcántara et son incroyable pont romain du 2e siècle, merveilleusement conservé et inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco (En arabe, Alcántara signifie d’ailleurs « pont »). Prenez ensuite la direction de Badajoz, en traversant l’ouest de l’Estrémadure.
À cet endroit, les paysages deviennent plus arides, excepté vers la Sierra de San Pedro. Les chênes-lièges, dont l’écorce tracte l’économie de la région, escorteront votre route sous l’œil espiègle de nombreux vautours et de quelques cervidés qui se promènent en terrain conquis! De nombreux sites mégalithiques jalonnent aussi le territoire cependant dénué de toutes attractions touristiques. Les villes comme San Pedro de Alcántara et son ancien couvent abritant un hôtel-restaurant, Valence de Alcántara, qui met à disposition une aire de services pour motorhome, peuvent alors constituer de bonnes étapes. Ici c’est la cigogne, autre symbole de l’Estrémadure, qui peuple le toit des maisons! La proximité avec le Portugal sonne aussi comme une invitation pour découvrir la belle citadelle de Marvão. À bon entendeur!
Fête curieuse Début janvier à Piornal, plus haut village d'Estrémadure (1200 mètres) se déroule une fête aussi curieuse que haute en couleur. Durant ce week-end, plusieurs personnes enfilent le costume du Jarramplas. Le personnage porte un costume en lanières de tissus multicolores et un masque avec de grandes cornes. Il défile dans les rues avec son tambour et se fait bombarder de navets par la foule! Dans le folklore populaire, Jarramplas serait l’incarnation du voleur de bétail. Cette lapidation à coup de légumes serait une manière d’exorciser le mal, pour commencer la nouvelle année du bon pied. Pourquoi pas!
Les influences mauresques
Vous arriverez alors à Badajoz. Capitale de la province du même nom, la ville s’élève au-dessus du fleuve Guadiana. Fondée en 875 par Abd al Rahmân, un descendant de famille muwallad, (terme désignant les autochtones romans ou wisigoths, convertis à l’islam) la ville conserve des vestiges de son passé arabe, qui se lit notamment à travers l’Alcazaba, magnifique citadelle construite par le calife almohade Abu Yaqub Yusuf en 1169. On sent déjà comme un parfum d’Andalousie!
Comme toute ville fortifiée, le cœur historique présente un dédale de ruelles et d’arcades pittoresques où se dressent des édifices qui témoignent de différentes époques, sans oublier l’emblématique Plaza Alta, peinte au style mudéjar, en contrebas de la forteresse.
Mérida, une deuxième Rome
Si Cáceres porte le sceau médiéval, Badajoz l’empreinte des Maures, Mérida reste bien le témoignage de la première civilisation ayant marqué durablement la péninsule ibérique: les Romains. L’empereur Auguste souhaitait faire de Mérida, une deuxième Rome. Elle constitue aujourd’hui le plus important site archéologique romain d’Espagne inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le théâtre, l’amphithéâtre, le forum, le temple de Diane, mais aussi l’aqueduc, figurent parmi les vestiges à admirer aux quatre coins de la ville. C’est aussi une cité dynamique où l’on peut déguster une gastronomie traditionnelle revisitée de façon moderne.
Remonter en direction de Trujillo
Notre itinéraire vous invite ensuite à remonter dans la province de Cáceres, en direction de Trujillo. Magnifique cité dominée par une vaste forteresse arabe offrant un magnifique panorama sur toute la région. Elle est le fruit de la conquête des Amériques par les Espagnols (voir encadré). Sur la majestueuse Plaza Mayor trône d’ailleurs la statue à l’effigie du conquistador Fransico Pizzaro, qui soumit l’empereur Inca Atahualpa pour s’emparer du Pérou…
Incroyable monastère royal
Pour d’autres histoires de conquêtes et de reconquêtes, il faut se rendre du côté de Guadalupe. Surplombant une vallée verdoyante entourée de hautes montagnes, ce village à la situation pittoresque est notamment célèbre pour son Monastère royal de Santa María de Guadalupe, également classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le site est étroitement lié à l’achèvement de la reconquête de la péninsule Ibérique par les rois catholiques et à la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. Ce dernier baptisa d’ailleurs l’île de Guadeloupe en hommage à la Vierge de Guadalupe. Symbole de la christianisation de l’Espagne et d’une grande partie du Nouveau Monde, Guadalupe attire encore chaque année 20 millions de pèlerins, ce qui en fait le lieu de pèlerinage catholique le plus visité après la cité du Vatican! Il faut avouer que l’ensemble est très impressionnant…
Voilà une belle conclusion pour ce périple au cœur d’une province espagnole méconnue, qui vous donnera à coup sûr le goût pour la découverte d’autres territoires injustement délaissés.
L’héritage des conquistadores L’Estrémadure a donné naissance aux plus grands conquistadores du Nouveau Monde: Hernan Cortés, conquérant de l’Empire Aztèque au Mexique, Francisco Pizarro qui soumit l’Empire Inca au Pérou, Nunez de Balboa, premier Européen à avoir traversé l’Isthme de Panama, Garcia Lopez de Cardenas, explorateur du Grand Canyon du Colorado, Francisco de Orellana, ‘découvreur’ de l’Amazonie. Autant de noms qui se réfèrent à la province de Cáceres au nord de l’Estrémadure et qui ont contribué à lui offrir des lettres de noblesses, plus ou moins proprement acquises... et les plus beaux monuments d’Estrémadure.
Aire de services et de stationnement
Camper Park Cáceres Nature
Ouvert toute l’année. Stationnement et services: 10 €. Électricité (4 €) Douche, lave-linge et sèche-linge en supplément.
N 39°47’6.1152” W -6°23’43.9548”
Aire de Mérida
14 emplacements proches du centre sur parking. 10 €/nuit avec services. Électricité : 5 €.
N 38°55’9.0696” W -6°20’11.6088”
Aire de Trujillo
8 emplacements avec services gratuits, à côté de la Plaza Toros.
N 39°27’27.36” W -5°52’21.9”
Aire de Alcántara
8 emplacements avec services gratuits en direct du centre-ville.
N 39°42’54.7164” W -6°52’55.344”
Aire de Badajoz
10 emplacements avec services gratuits à deux pas du centre historique.
N 38°53’5.28” W -6°58’40.944”